Derkaoui Halima, nom de guerre, Badi'a
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Derkaoui Halima, nom de guerre, Badi'a
Devoir de mémoire : Personnalités Saïdéennes
Derkaoui Halima, Nom de guerre Badi’a
Fait par Aouad Djillali
Aoüt 2010
J’ai connu Badi’a pendant la révolution, vers la fin des années 50, chez nous, à Hassasna, plus précisément, dans la partie nord de ce qu’on appelait Hassasnas Ghérabas. A l’époque, une partie de notre famille vivait encore à la campagne où nous (mes frères et moi) passions une partie de nos vacances scolaires.
Comme toutes les familles qui vivaient à la campagne, la nôtre a joué un rôle important dans la révolution ; son principal apport était d’abord d’ordre logistique avant d’être politique: financement, renseignements, sensibilisation, hébergement des djounoud etc.
Tous les chefs de zone sont passés chez nous ; on entendait parler de Belghazali, du commandant Medjdoub, de Tayeb Nehari (qui vit actuellement à Sidi Bel Abbès) et bien d’autres. Parfois, on entendait parler de la visite d’un grand raïs dont le nom ne devait être communiqué qu’à un nombre très limité de responsables. J’ai eu l’occasion d’assister à un événement important de ce genre ; le grand raïs est venu chez nous (je ne sais pas encore lequel, on n’avait pas le droit de poser des questions à nos parents qui tenaient à ce que tout reste dans le secret). Il a été annoncé en fin d’après-midi. A ce moment-là, je me souviens encore, tout le monde (même nous, les gosses) s’est mis à courir dans tous les sens pour les préparatifs : ménage, méchoui, cuisine. D’après le nombre de pains préparés et de moutons égorgés en la circonstance (pas moins de quatre), toute une délégation qui était attendue.
A la tombée de la nuit, j’ai vu arriver un nombre impressionnant d’hommes armés et en tenue militaire puis, un petit group vêtu de djellabas. Je ne sais pas ce qui s’est passé dans la soirée ; nous nous fatiguions aux jeux pendant la journée et nous nous couchions de bonne heure. Au réveil, le lendemain, il n’y avait aucune trace des hôtes ni de l’événement, tout avait disparu (les cendres, les mégots de cigarette, les os… avaient été ensevelis loin de nous, dans un endroit non fréquenté).
Nous étions encore enfants et pour des raisons de sécurité, nos parents ne nous permettaient pas d’approcher les djounoud qui se trouvaient à l’écart ; une partie leur était réservée. C’est là qu’ils passaient leur temps, bien à l’abri, en toute confiance (des sentinelles postées dans plusieurs endroits à la ronde veillaient sur leur sécurité) et c’est là qu’ils se réunissaient et organisaient des séances de travail avec les habitants des douars environnants.
Je me souviens, une fois, deux djounoud, Babia Cheikh et Braci (je ne sais pas si c’est laredj ou Kadda) ont tenu à briser cette règle de méfiance. Ils nous ont interpelés pendant que nous jouions à une quinzaine de mètres. Nous avons d’abord hésité, attendant un signe de notre père qui se trouvait avec eux et qui n’aimait pas voir des gamins se mêler de choses sérieuses. C’est à ce moment-là que Braci se tourna vers lui et lui dit: « c’est pour eux que nous faisons la révolution, ils sont instruits, ce sont les futurs dirigeants de l’Algérie indépendante ».
Nous avons passé un bon moment en leur compagnie. Ils nous ont montré un fusil à percussion à cinq coups, un pistolet et une grenade. Ils nous donné quelques explications et procédé ensuite à des démonstrations avant de nous laisser manier à notre tour, les armes (non chargées). La grenade, nous l’avions observée à distance ; c’était quelque chose de dangereux. Quelques mois après, nous avons appris avec consternation leur arrestation; leurs photos, avec menottes aux poings, étaient collées dans tous les quartiers de la ville.
Les combattantes (djoundiate) étaient reçues dans la famille, au milieu des femmes et des enfants. Ma famille était très fière de recevoir tout au début, en 1956 ou 57, une nièce, une Hellali avec son mari Fellouhi Mustapha, actuellement colonel à la retraite à Oran.
J’avais neuf ou dix ans quand j’ai débarqué un jour de Saîda avec mes frères, au début des vacances d’été. J’ai trouvé chez nous, au milieu des miens, une jeune fille, petite de taille, qui devait avoir quinze ou seize ans ; elle s’appelait Badi’a et elle se sentait comme chez elle. Elle avait passé quelques jours parmi nous (moins d’une semaine si mes souvenirs sont bons). Je me souviens encore, quand elle passait de l’autre côté (pour rejoindre ses compagnons d’armes), elle m’empruntait ma gandoura. Le jour de son départ, ma mère la lui mit dans son sac comme souvenir. En échange, elle m’a laissé une djellaba verte (en tissu militaire) que mon père brûla le jour même, craignant les perquisitions des soldats de Bigeard qui étaient fréquentes; c’aurait été une preuve irréfutable de notre complicité avec les fellagas.
Je l’ai retrouvée cinquante ans plus tard à l’occasion d’un événement. Quand j’ai entendu son nom, j’ai tiqué. Je n’ai pas voulu me présenter ; j’ai préféré lui rappeler les circonstances dans lesquelles nous avons fait connaissance et elle m’a tout de suite reconnu ; « tu es le fils du chahid Aouad Youcef ould Medjahed ». Et elle s’est mise à me parler de ma famille, spontanément et avec beaucoup d’émotion, les paroles coulaient de source. Je m’intéressais à l’histoire de l’Algérie, et ma plume était déjà au service de la mémoire de Saîda dans le cadre d’un travail associatif. Donc, c’est tout naturellement que j’ai senti le devoir de pousser cette grande combattante à sortir de l’ombre. Sa vie est un exemple de courage, de patriotisme et de dévouement à la cause nationale.
A suivre….
Derkaoui Halima, Nom de guerre Badi’a
Fait par Aouad Djillali
Aoüt 2010
J’ai connu Badi’a pendant la révolution, vers la fin des années 50, chez nous, à Hassasna, plus précisément, dans la partie nord de ce qu’on appelait Hassasnas Ghérabas. A l’époque, une partie de notre famille vivait encore à la campagne où nous (mes frères et moi) passions une partie de nos vacances scolaires.
Comme toutes les familles qui vivaient à la campagne, la nôtre a joué un rôle important dans la révolution ; son principal apport était d’abord d’ordre logistique avant d’être politique: financement, renseignements, sensibilisation, hébergement des djounoud etc.
Tous les chefs de zone sont passés chez nous ; on entendait parler de Belghazali, du commandant Medjdoub, de Tayeb Nehari (qui vit actuellement à Sidi Bel Abbès) et bien d’autres. Parfois, on entendait parler de la visite d’un grand raïs dont le nom ne devait être communiqué qu’à un nombre très limité de responsables. J’ai eu l’occasion d’assister à un événement important de ce genre ; le grand raïs est venu chez nous (je ne sais pas encore lequel, on n’avait pas le droit de poser des questions à nos parents qui tenaient à ce que tout reste dans le secret). Il a été annoncé en fin d’après-midi. A ce moment-là, je me souviens encore, tout le monde (même nous, les gosses) s’est mis à courir dans tous les sens pour les préparatifs : ménage, méchoui, cuisine. D’après le nombre de pains préparés et de moutons égorgés en la circonstance (pas moins de quatre), toute une délégation qui était attendue.
A la tombée de la nuit, j’ai vu arriver un nombre impressionnant d’hommes armés et en tenue militaire puis, un petit group vêtu de djellabas. Je ne sais pas ce qui s’est passé dans la soirée ; nous nous fatiguions aux jeux pendant la journée et nous nous couchions de bonne heure. Au réveil, le lendemain, il n’y avait aucune trace des hôtes ni de l’événement, tout avait disparu (les cendres, les mégots de cigarette, les os… avaient été ensevelis loin de nous, dans un endroit non fréquenté).
Nous étions encore enfants et pour des raisons de sécurité, nos parents ne nous permettaient pas d’approcher les djounoud qui se trouvaient à l’écart ; une partie leur était réservée. C’est là qu’ils passaient leur temps, bien à l’abri, en toute confiance (des sentinelles postées dans plusieurs endroits à la ronde veillaient sur leur sécurité) et c’est là qu’ils se réunissaient et organisaient des séances de travail avec les habitants des douars environnants.
Je me souviens, une fois, deux djounoud, Babia Cheikh et Braci (je ne sais pas si c’est laredj ou Kadda) ont tenu à briser cette règle de méfiance. Ils nous ont interpelés pendant que nous jouions à une quinzaine de mètres. Nous avons d’abord hésité, attendant un signe de notre père qui se trouvait avec eux et qui n’aimait pas voir des gamins se mêler de choses sérieuses. C’est à ce moment-là que Braci se tourna vers lui et lui dit: « c’est pour eux que nous faisons la révolution, ils sont instruits, ce sont les futurs dirigeants de l’Algérie indépendante ».
Nous avons passé un bon moment en leur compagnie. Ils nous ont montré un fusil à percussion à cinq coups, un pistolet et une grenade. Ils nous donné quelques explications et procédé ensuite à des démonstrations avant de nous laisser manier à notre tour, les armes (non chargées). La grenade, nous l’avions observée à distance ; c’était quelque chose de dangereux. Quelques mois après, nous avons appris avec consternation leur arrestation; leurs photos, avec menottes aux poings, étaient collées dans tous les quartiers de la ville.
Les combattantes (djoundiate) étaient reçues dans la famille, au milieu des femmes et des enfants. Ma famille était très fière de recevoir tout au début, en 1956 ou 57, une nièce, une Hellali avec son mari Fellouhi Mustapha, actuellement colonel à la retraite à Oran.
J’avais neuf ou dix ans quand j’ai débarqué un jour de Saîda avec mes frères, au début des vacances d’été. J’ai trouvé chez nous, au milieu des miens, une jeune fille, petite de taille, qui devait avoir quinze ou seize ans ; elle s’appelait Badi’a et elle se sentait comme chez elle. Elle avait passé quelques jours parmi nous (moins d’une semaine si mes souvenirs sont bons). Je me souviens encore, quand elle passait de l’autre côté (pour rejoindre ses compagnons d’armes), elle m’empruntait ma gandoura. Le jour de son départ, ma mère la lui mit dans son sac comme souvenir. En échange, elle m’a laissé une djellaba verte (en tissu militaire) que mon père brûla le jour même, craignant les perquisitions des soldats de Bigeard qui étaient fréquentes; c’aurait été une preuve irréfutable de notre complicité avec les fellagas.
Je l’ai retrouvée cinquante ans plus tard à l’occasion d’un événement. Quand j’ai entendu son nom, j’ai tiqué. Je n’ai pas voulu me présenter ; j’ai préféré lui rappeler les circonstances dans lesquelles nous avons fait connaissance et elle m’a tout de suite reconnu ; « tu es le fils du chahid Aouad Youcef ould Medjahed ». Et elle s’est mise à me parler de ma famille, spontanément et avec beaucoup d’émotion, les paroles coulaient de source. Je m’intéressais à l’histoire de l’Algérie, et ma plume était déjà au service de la mémoire de Saîda dans le cadre d’un travail associatif. Donc, c’est tout naturellement que j’ai senti le devoir de pousser cette grande combattante à sortir de l’ombre. Sa vie est un exemple de courage, de patriotisme et de dévouement à la cause nationale.
A suivre….
Aouad Djillali- membre super actif
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