Saida,un jour.

Saida a pris son joli manteau blanc,elle est belle.Subitement.J'en ai profité pour faire un tour en ville,j'ai rencontré un ami qui commençait à me manquer,depuis le temps que je ne l'avais pas revu.Je le savais malade,je n'ai jamais eu le courage d'aller lui rendre visite,je n'aime pas voir des hommes qui me sont chers dans des états que je ne leur connaissais pas dans notre jeunesse.Il a maigri,j'ai eu du mal à le reconnaître.Je m'en veux que ce soit lui qui fit le premier pas."Attention,me dit-il,nous sommes vieux"Il ne m'appelait jamais par mon prénom,ni pas mon nom,c'était toujours "oulou li 3eini echemss ma tehmachi,lahcen habibi",un petit passage d'une vieille chanson de Chadia,je crois.Nous trainons ça depuis près de cinquante ans.Une petite halte de quelques minutes nous ramène à la neige de Décembre 67.Nous étions au CEG.47 ans.Parfois,il suffit d'un simple mot pour nous faire parcourir toute cette distance,tout ce temps.
Oui,mon ami,Hadj Abbès Daoudi.Que Dieu te vienne en aide.Je te souhaite du plus profond de mon coeur,guérison.
Les journaux ne sont pas arrivés,le transporteur a dû rebrousser chemin depuis Taghia.Tant pis.Et puis,ces journaux,le gaz de schiste,les gaz lacrymogènes,la crise de ceci,la crise de cela,Saïdani et sa derbouka,Hanoune et ses danses Belkhadem et sa barbe,Benhamou et sa brosse et tous les autres,les députés,les sécateurs,les fausses promesses,les vrais mensonges.Un jour pour oublier.
Ou plutôt tant mieux,j'ai quand-même un livre en souffrance,qui m'attend:"Heureux les martyrs qui n'ont rien vu".
Ce soir,ce sera Algérie-France.En Hand-ball.En attendant,il neige toujours et sérieusement.Ellotf ya Rab.

"La neige possède ce secret de rendre au cœur en un souffle la joie naïve que les années lui ont impitoyablement arrachée."
Antonine Maillet