SI j etais president ...

Si j'étais président de la République
par Moncef Wafi


Moi, président de la République, je partagerais équitablement la rente pétrolière entre ma famille, mon clan et mes comptes en banque off-shore. Moi, président de la République, je bannirais les syndicats, les partis, les associations et les comités de quartier. Moi, président de la République, je serais maréchal, général huit étoiles des armées, des avions et des munitions. Moi, président de la République, je serais le chef suprême de toutes les tribus, du rivage au Nord au dernier rail de sable au Sud. Je serais le guide éclairé, la lumière divine, le grand manitou des montagnes et des vallées. Moi, président de la République, je léguerais mon trône et mes sujets à mon nom de famille, ma succession sera assurée sur dix-huit générations jusqu'au coup de sifflet final de l'humanité. Moi, président de la République, j'interdirais toutes les langues à l'exception de celles qui me louangent, j'amputerais toutes les mains sauf celles qui m'applaudissent et je couperais tous les pieds hormis ceux qui courent pour me vénérer. Moi, président de la République, je raserais toutes les forêts pour construire des parkings, je démolirais l'Histoire pour écrire une Iliade à la gloire de ma grandeur pour que les futures générations n'oublient pas mon passé de libérateur des peuples opprimés, du combattant pour la paix et la démocratie. Moi, président de la République, je changerais la Constitution autant de fois qu'il me plaira, je nommerais les ministres et je répudierais les députés. Moi, président de la République, je serais maître de la justice, la répression sera mon bras armé et la peur mon sceptre. Moi, président de la République, je fermerais les frontières et, debout sur la pointe de mes chaussures, je cracherais sur les pays voisins. Je déclarerais la guerre à la paix, la liberté ne sera qu'un concept abstrait et l'équité un dinosaure babylonien. Moi, président de la République, j'abolirais les élections, j'abattrais les parapets de la ségrégation pour y construire des murs s'élevant vers les nuages. Je noierais l'opposition dans un bol de corruption et je dissoudrais toute révolution dans un verre d'acide. Moi, président de la République, j'achèterais les consciences avec un peu d'argent, un titre ou un prix littéraire. Je chasserais les compétences leur offrant des semi-rigides qui couleront au milieu de la flotte et j'enterrerais les voix qui me chahutent dans le plus profond des cachots. Moi, président de la République, je fusillerais les âmes sensibles qui s'offusqueront de mes commandements. Je décapiterais les têtes pensantes et les avis contraires. Enfin, moi, devenu président de la République, je proscrirais pour toujours cette chronique.

Etre président de la république , vous changera d'avis....cher Wafi